Le luxe inconscient
Trois Suisses (pertes, rachat) , La Redoute (vendue
pour 1 euro symbolique), Fnac (rachat), Quelle (filiale kaput !),
annonce de la vente du groupe TATI en
mars 2017… ceux qui n’ont pas anticiper
ce vieux truc de l’e-commerce (en son temps) en ont payé le prix fort… On peut y ajouter, plus proche du monde
mutualiste, la CAMIF, réputée jadis être un « fleuron insubmersible de l’économie sociale », rien que ça …
Il y a certes la concurrence, l’environnement externe mais
tout autant, et tout aussi dangereusement parfois, la culture interne des entreprises pourtant
condamnées à tenir compte des évolutions du monde extérieur … et qui l’oublient
parfois, ou en prend conscience collectivement trop tard, quand les chiffres s’effondrent ou
sont sous perfusion.
Dans les années 90, voir 2000, les Cassandre de
l’e-commerce ont sans doute été perçus comme de doux rêveurs, ou de détestables
opportunistes, par certaines des entreprises
qualifiées de « vieilles mamans »,
des vieilles dames tout autant adorables que parfois riches de convictions
quant à leur position sur leur marché ; une position de confort aussi
quant à leur organisation, à la fois ronronnante et grinçante, selon les
humeurs, mais très centrées sur elles mêmes et sur leurs relations internes , sociologie
d’entreprise oblige.
Kodak, inventeur de l’appareil photo numérique, est morte
pour n’y avoir pas cru. Son ingénieur de génie, Steve Sasson, a présenté son invention de la taille d’un four à micro-onde, dans
une réunion, un beau matin … Ce qu’il présentait ce jour là n’était ni
plus ni moins que la planche de survie de la géante Kodak , alors en quasi
situation de monopole sur le marché de l’argentique … et qui tardera bien trop pour
diversifier son activité, vers le numérique
notamment.
Quel « luxe inconscient » que ces tensions internes
et/ou cette inertie entretenus pourrait on dire aujourd’hui, à propos de certaines
des entreprises aujourd’hui disparues.
La sociologie d’entreprise
explique à bien des égards ce que les seules logiques économiques ne
peuvent expliquer. Il est peut-être temps de réembaucher des saltimbanques et
des fous du roi dans les conseils d’administration et comité de direction pour
réguler les rapports humains soumis chaque jour à de fortes tensions, et leur donner "un bol d'air frais".
Les egos, les
habitudes, les vanités, les orgueils, les peurs, les zones de confort, les
tensions sociales, les fatigues, l’absence d’équilibre social, l’avidité et les ambitions
personnelles, sont parfois bien plus une
menace que la concurrence.
La survie des entreprises dépend peut-être bien aujourd’hui,
plus encore qu’hier, de la richesse humaine en action et de la marge de manœuvres
qui lui est laissée au sein des « vieilles organisations Taylorisées ».
A l’heure où le salarié est souvent vu comme un ETP, un
poste de coût, ne pas négliger la capacité d’innovation et de rebonds
phénoménale que des milliers de cerveaux en action peuvent engendrer ensemble est peut-être une
voie d'action à creuser dans
l’organisation taylorisée (les idées émergent souvent là ou on ne s’y
attendait pas, et ce n’est pas une affaire de diplôme et de parcours académique…
les anglo-saxon le portent d'ailleurs plus volontiers dans leur culture que les français)
Cette forme d’investissement, plus centrée sur ses
ressources internes, n’est pas à négliger… et ça ne passe pas par une « boîte à
idées », mais un état d’esprit général, partagé et égalitaire où la
hiérarchie se fait plus « humble ».
.
.
Une transformation en profondeur des grandes organisations s’impose-t-elle ?
Sans doute oui, mais
laquelle ?
Créer des espaces de travail plus libres, plus en rupture avec l’organisation des grosses structures d’entreprise est probablement
nécessaire. Cela répond aussi, quelque part, à une attente pour certains
salariés, une envie aussi de sortir des sentiers battus … et de l’ennui profond
du travail prescrit fait de procédures inévitablement imparfaites qui ignorent
l’imprévu et le sens de l’adaptation en milieu complexe, mouvant et instable
(attention tout n’est pas si simple pour sortir du taylorisme, il n’existe pas
de « bon modèle », lire
l’article sur l’entreprise libérée http://bit.ly/2nohMAO)
Réaliser ces espaces « innovants »
sans pour autant tout renier de sa culture, de son organisation, de ses zones
d’efficacité tangibles (c’est comme la bonne santé, on en parle pas ou rarement)
, de ses valeurs, bref sans jeter bébé avec l’eau du bain, est délicat : le risque de tomber dans l’injonction
permanente et de provoquer le rejet est à juguler, un équilibre est à créer entre
des « mondes ouverts ou à ouvrir », « les habitudes à
prendre, et celle qu’il serait bon d’abandonner ».
Eviter de plaquer des modèles clefs en main et, entre l’ancien, l’actuel et l’avant-garde, tenter de construire de solides passerelles, techniques, organisationnelles, comportementales et sociales pour réussir une transformation parait un principe refondateur pour une organisation amenée à s’adapter.
Un (difficile) consensus d’approche dépassionné qui se voudrait équitable, sur tous les plans, y compris humains et social pourrait-être un pré-requis facilitant, et peut-être même, le facteur clef d’un succès durable, ou de survie au-delà de 25 ans pour certaines entreprises...
Miser sur ses salariés
Les entreprises mutualistes, parce que sans actionnaire et uniquement
dépendantes de la pression du marché (qu’elles exercent par leur modèle, encore
aujourd’hui du moins), ont elle aussi et là encore une carte à jouer.
Une approche « uniquement » par les coûts, assumée
ou non, pourrait au passage être en contradiction forte avec le but poursuivi. Il y a
une limite mathématique à la logique de coût : la fermeture de l’entreprise
étant le coût zéro (merci Joseph Schumpeter).
Les grandes compagnies à caractère capitalistique disposent
de puissants moyens financiers: l’investissement d’AXA dans une seule start-up (blockchain) dépasse de plusieurs fois le
budget global de certains de leurs concurrents dans ces mêmes investissements
: la mutualisation des budgets de recherche et
développement est sans doute une voie d’avenir …
Les bancassureurs, en proie au doute, et à l’affut ont peut
être un pari et un investissement humain à réaliser et à tenter (un pari un peu fou au regard du courant
actuel), en misant sur leurs salariés différemment, car un gisement colossal d'idées, de savoirs et de compétences est encore inexploité.
Ces compagnies ont bien compris qu’une page était en train
de se tourner, et que la prochaine page s’écrira, avec, ou sans elles…avec toutes
les déclinaisons possibles .
Vélocité, souplesse, équilibre social seront peut-être les
prochains piliers d’une transformation heureuse et réussie. 1000 cerveaux auront toujours plus de potentiel qu’un seul !
On dit que la chance sourit aux audacieux … cela semble
encore se vérifier régulièrement, et plus que jamais, de nos jours.
Les responsables RH ont du pain sur la planche pour faire comprendre que l'innovation n'est pas une boîte à idée ou une boîte dans un organigramme, mais un liant intrinsèque à la configuration même de l'organisation dans son ensemble, véritable charpente d'une culture d'entreprise.
Les responsables RH ont du pain sur la planche pour faire comprendre que l'innovation n'est pas une boîte à idée ou une boîte dans un organigramme, mais un liant intrinsèque à la configuration même de l'organisation dans son ensemble, véritable charpente d'une culture d'entreprise.
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